Parce que nous avons besoin d’une aide active à vivre ! 

Monsieur le Président de l’Union Départementale des Associations Familiales du Morbihan, 

Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations familiales et de mouvements membres de l’UDAF du Morbihan, 

Mesdames et Messieurs les membres du conseil d’administration de l’UDAF du Morbihan, 

Mesdames et Messieurs, 

Chers amis, 

« La vie n’est pas un problème à résoudre mais une réalité qui doit être vécue » nous dit Søren Kierkegaard, le théologien, philosophe, écrivain et poète danois du XIXe siècle. 

En préambule à ce propos, permettez-moi de dresser quelques constats qui s’imposent à nous.

Une loi « fin de vie » se prépare, sans que les échéances en soient encore bien figées. Les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté militent depuis longtemps pour que la prochaine loi autorise de telles dispositions en France au nom d’un certain progrès.

Toutes les grandes questions de la vie, dont la mort fait partie à part entière, touchent en premier lieu la famille et ses membres. La mort est donc d’abord le sujet de la famille qui voit partir l’un de ses membres, parfois au prix d’une souffrance insuportable pour la personne ou pour ses proches. 

Il y a en France des endroits où la mort est aussi paisible que possible. 

Citons par exemple la très emblématique maison Jeanne Garnier à Paris ou, plus proche de nous, la clinique des Augustines à Malestroit. 

Le drame est que ces endroits sont rares, trop rares, sous dotés, et que trop peu de personnes en fin de vie y accèdent. 

La honte est qu’à quatre reprises, en 1999, 2002, 2005 et 2016, la représentation nationale a voté pour que tous en France puissent accéder à des soins palliatifs de qualité. Cet échec répété et continu d’une politique publique de cette importance ne peut nous satisfaire. 

L’accompagnement des personnes âgées en Occident a lui aussi subi la mode de l’externalisation. Les familles ne peuvent plus, voire ne veulent plus, accueillir leurs aînés. Accompagner ses parents en perte d’autonomie, puis en fin de vie est souvent compliqué, parfois même strictement impossible. Alors, des maisons de retraite et des EHPAD les prennent en charge. C’est inconcevable en Afrique ou en Asie, mais pas ici. 

Pourtant, la crise sanitaire a démontré que la famille est l’ultime amortisseur social, l’assureur en dernier ressort. C’est pour cette raison qu’il faut soutenir la famille qui soutient, elle, ses malades.

Enfin, la mort a déserté nos vies, nous l’avons proprement confinée dans ces ailleurs que l’on ne fréquente plus, nous l’avons confiée à des professionnels qui nous préservent de son contact, autant que nous le pouvons. 

C’est certes confortable, mais est-ce bon pour nous en tant qu’individus, en tant que familles et pour le bien commun ?

Fort de ces cinq constats, nous voudrions esquisser quelques pistes de réflexions à partager et à enrichir. 

Sur les soins palliatifs

Il y a eu un réel progrès ces deux dernières décennies : réjouissons-nous de la fin quasi-totale de l’acharnement thérapeutique, de l’obstination déraisonnable. Le « En somme, je meurs guéri de Fontenelle » n ‘a plus cours, et c’est tant mieux.

Un vrai consensus existe pour poursuivre le développement des soins palliatifs. C’est normal, ils sont la bonne réponse qualitative pour que la fin de vie se passe le mieux possible, tant pour la personne que pour son entourage. 

Quatre lois en moins de 25 ans qui décident de la même chose sur les soins palliatifs, c’est à dire l’extension à tous les Français de leur accessibilité, c’est déjà trois de trop. Il vaudrait mieux appliquer ces lois une fois pour toutes.

Tant que c’est techniquement possible, il convient de favoriser ces soins palliatifs à domicile, mais il faut d’abord accompagner l’entourage, c’est à dire la famille. Elle souffre, elle est démunie, elle est confrontée à de multiples problèmes pratiques auxquels elle n’est pas préparée. La solidarité doit se tourner aussi vers cet entourage familial avec des solutions ; elle est la mieux à même de trouver les ressources de patience, de tendresse et de dévouement pour son parent malade. 

Oui, nous souhaitons qu’enfin des moyens suffisants soient mis en œuvre pour qu’en France, les personnes meurent sans souffrance et entourées de leur famille, aidées autant que nécessaire par la société.

Sur l’euthanasie et suicide assisté

Nous pensons que l’interdit absolu de l’homicide est une des fondations de notre civilisation qu’il serait très dangereux de saper cette fondation.

Il y a d’abord la question de la demande de la personne, quand elle peut l’exprimer. elle disparaît dans la plus grande partie des cas quand une réponse appropriée est apportée à la douleur et à l’isolement. La mort est irréversible, mais la demande peut varier. Ne parlons pas de l’absence de consentement, ou de ceux qui sont sortis de tout contexte avec des directives anticipées rédigées dans un contexte tout autre, ou de ceux qui pourraient être extorqués par l’entourage ou le corps médical[1].    

La coresponsabilité qu’entraînerait une telle aide active à mourir est de notre point de vue un autre très dangereux écueil. Demander à un tiers d’être homicide (euthanasie) ou complice (suicide assisté), même quand la personne est en fin de vie, est d’une violence insoutenable. Elle est pire encore quand l’auteur ou le complice est, par vocation, un soignant. Ce n’est pas une question de sécurité juridique, mais d’injonction incompatible avec notre civilisation.     

En outre les dérives belges et canadiennes devraient nous servir de signaux d’alerte.

Au Canada, des comptables quantifient les économies induites par l’aide active à mourir[2] et où le handicap[3], la pauvreté[4] ou encore la dépression peuvent dorénavant justifier une euthanasie. Nous nous faisons une trop haute idée de la dignité de l’homme et nous aimons trop la vie pour accepter que sa valeur puisse être mesurée en fonction de son coût.

En Belgique, la commission de contrôle ne fait que très médiocrement son travail et a été sanctionnée par la CEDH[5]. Des vices dans le recueil des consentements, des extensions douteuses (aux mineurs[6], aux personnes déprimées[7] ou qui ne sont pas en fin de vie[8]) démontrent que les barrières érigées par le législateur sont inopérantes.

Nous pensons et nous disons haut et fort que l’euthanasie et le suicide assisté sont de mauvaises réponses, terriblement aliénantes, à une vraie question, celle de la peur de la mort, de la souffrance et de la solitude.

Sur les écueils politiques, ou sur la méthode

Méfions-nous de ceux qui usent et abusent d’arguments émotionnels pour faire avancer la cause qu’ils défendent. 

Quelle que soit la thèse défendue, il se trouvera toujours une anecdote larmoyante ou enthousiasmante pour la justifier. Méfions-nous aussi des simplifications abusives et des caricatures.

Notre nation est clivée, fracturée dans tous les sens, éprouvée par les crises économique, sécuritaire, écologique, éducative et sanitaire et il est proposé de mettre en place publique un sujet polémique qui ajoutera une division de plus à celles qui existent déjà. 

Nous pensons qu’une telle loi est inopportune dans le contexte actuel.

Enfin, nous connaissons la méthode des groupes de pression pour promouvoir des transgressions. Il y a un cadre très strict justifié avec des cas particuliers qui sont de vrais cas de conscience, puis une fois la première transgression actée, le cadre est élargi, occurrence après occurrence. 

C’est ce que Saint Augustin décrit si bien : 

« A force de tout voir on finit par tout supporter… 

A force de tout supporter on finit par tout tolérer… 

A force de tout tolérer on finit par tout accepter… 

A force de tout accepter on finit par tout approuver ! »

Et nous pourrions poursuivre en disant : 

A force de tout approuver, on finit par tout défendre… 

A force de tout défendre, on finit par tout imposer… 

Conclusion

En conclusion de cette prise de parole, nous pouvons nous demander ce qu’il faut penser de cette possible nouvelle loi pour les familles ?

Permettez que nous y répondions en proposant quelques résolutions sur lesquelles l’UDAF du Morbihan pourrait réfléchir dans le cadre du groupe de travail qui sera mis en place : 

Avec force, il nous faut dire, redire et faire savoir sans se lasser que : 

  • L’indisponibilité du corps humain, ce principe essentiel du droit français, doit prévaloir en toutes circonstances,
  • L’urgence absolue réside dans le développement des soins palliatifs pour les personnes malades, handicapées et en fin de vie, ainsi que dans l’accompagnement des familles dont l’un des membres est en fin de vie et qui le soutiennent dans cette épreuve. 

Nous nous réjouissons que l’UDAF du Morbihan, dans son rôle de parlement local de la famille, prenne ce sujet à bras le corps et nous serons avec notre mouvement des Associations Familiales Catholiques et nos adhérents au rendez-vous pour participer aux échanges, aux débats et promouvoir la vie. 

La Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques a élaboré un livret : « La fin de vie en question » qui passe au crible les arguments en faveur d’un soi-disant « droit à mourir » et valorise le travail exemplaire des professionnels de santé qui accompagnent les patients jusqu’au dernier souffle dans le respect de la personne et de ses proches. 

Nous n’avons pas besoin d’une aide active à mourir.

Aujourd’hui, plus que jamais, nous et nos familles avons besoin d’une aide active à vivre.

Je vous remercie pour votre attention.

Frantz Toussaint

Président de la Fédération des AFC du Morbihan Représentant l’AFC de la Baie, l’AFC de Lorient et l’AFC du Pays de Vannes 


[1]Verbatim de Michèle Delaunay, députée et cancérologue, à la commission des affaires sociales le 17 février 2015 : « Enfin, je vous l’assure, en quarante-cinq ans de vie hospitalière et médicale, aucun malade ne m’a jamais demandé d’euthanasie. À l’inverse, il n’y a guère de mois où une famille ne me l’a pas demandé. Je tiens à souligner cette dissociation. » https://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-soc/14-15/c1415032.asp  

[2]https://www.cmaj.ca/content/189/3/E101.full

[3]https://www.cbc.ca/radio/asithappens/as-it-happens-monday-edition-1.5896324/as-bill-c-7-reaches-senate-un-watchdog-raises-concerns-about-maid-for-persons-with-disabilities-1.5897749

[4]https://www.theguardian.com/world/2022/may/11/canada-cases-right-to-die-laws

[5]https://www.20minutes.fr/monde/4003927-20221005-euthanasie-belgique-condamnee-cedh-defaillances

[6]https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/09/17/pour-la-premiere-fois-un-mineur-a-ete-euthanasie-en-belgique_4999312_3224.html

[7]https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/07/en-belgique-une-jeune-femme-victime-des-attentats-de-2016-recourt-a-l-euthanasie-pour-cause-de-souffrance-psychologique-insupportable_6144874_3210.html

[8]https://www.lefigaro.fr/international/2014/09/15/01003-20140915ARTFIG00265-belgique-un-meurtrier-obtient-le-droit-d-etre-euthanasie.php

Dessin publié avec l’aimable autorisation de son auteur.