Lettre ouverte aux parlementaires : « Loi sur la fin de vie : chronique de la fin d’une société »
VANNES, le 29 mai 2024
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Vous avez débuté le lundi 27 mai les discussions autour du projet de loi intitulé : « Accompagnement des malades et fin de vie ». Ce projet de loi, présenté en Conseil des Ministres, le 10 avril dernier, a fait l’objet d’une analyse par la commission spéciale de l’Assemblée Nationale et prévoit d’être voté en première lecture à l’Assemblée nationale autour du 7 juin prochain.
Avec ce nouveau texte, le Gouvernement et les promoteurs de ce texte proposent une révolution anthropologique majeure, venant pulvériser l’interdit de tuer, issue de notre héritage judéo-chrétien.
En tous points, ce texte est inquiétant. Il ne tient aucun compte des dérives observées dans les autres pays qui ont mis en place l’euthanasie ou le suicide assisté.
Permettez-moi de lister quelques points parmi la longue litanies qui sont à revoir :
La question du financement des soins palliatifs : le texte propose une enveloppe de 1 milliard d’Euros, étalée sur 10 ans, nous savons tous que c’est trop peu pour développer un réseau de soins palliatifs performants à l’échelle de notre pays. Nous voyons, que les Canadiens qui étaient en pointe sur ce sujet avant le vote de l’euthanasie, n’avancent plus et régressent dans la prise en charge des patients. Partout où l’euthanasie est pratiquée, les soins palliatifs reculent.
Notre pays, qui est fier d’avoir aboli la peine de mort pour punir les crimes les plus effroyables, envisage de dépénaliser l’homicide de personnes innocentes.
Le fait que le texte prévoit que la mort soit administrée par un professionnel de santé, médecin ou infirmière, et même par une tierce personne est quelque chose d’inhumain. Ainsi un fils pourra tuer son père, une mère son enfant, simplement parce que la personne l’aura décidé ; et celui qui aura poussé la seringue devra vivre avec cela jusqu’à la fin de ses jours. Par ailleurs, les professionnels de santé ne sont pas devenus des soignants pour mettre fin aux jours de leurs patients.
Le délai de rétractation porté à 48 heures. Quand on achète un bien sur Internet, on dispose de 14 jours pour revenir sur son choix… Or la mort est un phénomène irréversible et l’on envisage de ne laisser que 48 heures de délai de rétractation…
L’instauration d’un délit d’entrave puni d’un an de prison et de 15 000 Euros d’amende : est-ce que ce texte prévoit aussi la condamnation de tous ceux qui s’opposent à la fin de vie administrée de cette façon ? Quel avenir pour la liberté d’opinion et d’expression indispensable dans toute démocratie ?
L’obligation faite à tous les soignants de s’exécuter ou de trouver un confrère pouvant pratiquer l’acte ou le prescrire, si le patient l’exige.
Ainsi, ce texte, sans le dire, propose un nouveau droit : le droit opposable à la fin de vie administrée par un tiers.
Quelle honte pour notre pays qui se targue de disposer d’un modèle social destiné à préserver chacun, et surtout les plus fragiles !
Ce nouveau droit opposable à la fin de vie va faire des victimes. D’abord parmi les classes les plus pauvres : à l’instar de ce qui se passe au Canada ou en Belgique, certains choisiront l’euthanasie car ils ne disposeront plus des moyens pour vivre.
Ne craignons pas les mots : nous préparons une vie sans les handicapés, sans les anciens, une forme d’eugénisme.
Quelle source de gains le Gouvernement cherche-t-il ? Des économies sur le dos des plus faibles ? La création de nouveaux marchés lucratifs pour des opérateurs en mal de nouveaux débouchés.
Nous vous alertons également sur le changement des mots, qui est l’apanage de nombreux gouvernements, principalement depuis 2012. Albert Camus disait : « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Quel drame vivons-nous actuellement ! Oser parler de « fraternité » quand on évoque la mise à mort du prochain par euthanasie, quelle audace mais surtout quelle abomination !
Étymologiquement le mot « euthanasie » désigne la « bonne mort », nous en sommes loin dans le texte qui vous ait soumis !
Amoindrir les termes pour dissimuler la barbarie de l’acte est une technique éprouvée par tous les systèmes totalitaires.
Ce texte était attendu et son attente était crainte depuis la révision des lois de bioéthique, laquelle a montré combien la mandature précédente, avec l’appui du Gouvernement, était allée loin dans la transgression de la loi naturelle.
Le texte relatif à la fin de vie présenté par le Gouvernement était déjà une déclaration de guerre contre la vie mais son amendement en commission spéciale a montré la grande « créativité » des députés qui y ont participé et qui ont décidé d’aller encore plus loin.
Ainsi, le texte que les députés analysent en séance depuis ce lundi 27 mai est un texte qui propose une vision ultra-libérale de la fin de vie, la plus permissive du monde.
Le Président de la République souhaitait proposer un « modèle français qui soit unique », il y est parvenu…
Au niveau national, comme au niveau local, notre mouvement n’accepte pas ce texte !
Au niveau national, notre mouvement a d’ores et déjà rencontré plusieurs élus, ainsi que le directeur de cabinet du président de la République, nous avons publié plusieurs textes relatifs à cela, nous avons diffusé un film sur la fin de vie en Belgique.
Au niveau local, nous vous avons écrit en septembre 2022, nous avons organisé une table ronde en janvier 2023, rassemblant médecins et philosophes pour parler des soins palliatifs, nous avons organisé une soirée de visionnage du film « Tout mais pas ça » en avril 2023, nous avons contribué à un débat au sein de l’UDAF du Morbihan.
Cette année, nous avons notamment organisé à Vannes, le 24 mai dernier, une soirée autour du Docteur Mignot, de l’USP de Malestroit et de Pierre Jova, journaliste et auteur de l’ouvrage « Peut-on programmer la mort ? ».
À chaque fois, nous rappelons notre attachement à la vie de sa conception naturelle à sa fin naturelle. Toute vie vaut la peine d’être vécue.
La loi existante Claeys-Leonetti est un compromis qui satisfait beaucoup de monde et qui permet de traiter tous les sujets de façon sereine : en cas de souffrances réfractaires, la sédation profonde et continue permet de faire cesser la douleur. Pourquoi vouloir la changer à part pour des intérêts purement électoraux ?
Les quatre différentes lois votées depuis 1999, qui rendent l’accès aux soins palliatifs opposables, n’ont jamais été intégralement appliquées. Peut-être serait-il temps que vous, parlementaires, en charge du contrôle de l’exécutif, y mettiez bon ordre ?
Notre pays est en situation de faillite, avec une dette abyssale, une situation sociale pire que calamiteuse, un taux de chômage qui ne reflète pas le réel tellement l’on radie les personnes inscrites, une explosion des incivilités et agressions, une école qui ne forme plus et qui produit de bons esclaves de la société de consommation… et le Gouvernement juge prioritaire de lancer cette discussion, cela est irresponsable.
Votre responsabilité de parlementaires est lourde.
Vous devez faire cesser cette surenchère et appeler le pays – et principalement le Gouvernement – à la raison et au véritable sursaut pour la survie de notre État, pour que l’on retrouve le chemin du bien commun, de la concorde nationale, de la prospérité et de la paix durable.
Nous serons heureux de vous rencontrer pour échanger avec vous.
Nous savons qu’il s’agit d’un sujet grave, d’un sujet qui peut blesser, il ne s’agit en aucun cas de juger qui que ce soit mais nous voulons avertir du grand malheur qui sera celui du peuple français après le vote de cette loi que nous voyons comme mortifère.
Notre pays, nos contemporains, les familles n’ont pas besoin d’une aide active à mourir mais bien plus d’une aide active à vivre !
Vive la vie !
Frantz Toussaint, Président de la Fédération des AFC du Morbihan

