Edito de Juin 2022 : Famille et société : Que dit la Doctrine Sociale de l’Église ?

En guise d’édito ce mois-ci, nous vous proposons des extraits du Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, publié en 2005, dans sa partie sur la famille et la société. 

Cela servira à chacun de repère dans la perspectives des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. 

209 (…) La famille apparaît, dans le dessein du Créateur, comme le « lieu premier d’“humanisation” de la personne et de la société » et le « berceau de la vie et de l’amour ».

210 Dans la famille, on apprend à connaître l’amour et la fidélité du Seigneur et la nécessité d’y correspondre ; les enfants apprennent les premières leçons, les plus décisives, de la sagesse pratique à laquelle sont liées les vertus. C’est pour cela que le Seigneur se fait garant de l’amour et de la fidélité conjugale.

Jésus naquit et vécut au sein d’une famille concrète, en accueillant toutes ses caractéristiques spécifiques et conféra une dignité sublime à l’institution du mariage, le constituant comme sacrement de la nouvelle alliance. Dans cette perspective, le couple trouve toute sa dignité et la famille sa solidité propre.

211 Éclairée par la lumière du message biblique, l’Église considère la famille comme la première société naturelle, titulaire de droits propres et originels, et la met au centre de la vie sociale : reléguer la famille « à un rôle subalterne et secondaire, en l’écartant de la place qui lui revient dans la société, signifie causer un grave dommage à la croissance authentique du corps social tout entier ». En effet, la famille, qui naît de l’intime communion de vie et d’amour conjugal fondée sur le mariage entre un homme et une femme, possède une dimension sociale spécifique et originelle en tant que lieu premier de relations interpersonnelles, première cellule vitale de la société : elle est une institution divine qui constitue le fondement de la vie des personnes, comme prototype de tout ordre social.

212 Pour la personne, la famille est importante et centrale. Dans ce berceau de la vie et de l’amour, l’homme naît et grandit : lorsque naît un enfant, à la société est fait le don d’une nouvelle personne qui « au plus profond d’elle-même (…) est appelée à vivre en communion avec les autres, et à se donner aux autres ». Par conséquent, dans la famille, le don réciproque de soi de la part de l’homme et de la femme unis dans le mariage « crée un milieu de vie dans lequel l’enfant peut (…) épanouir ses capacités, devenir conscient de sa dignité et se préparer à affronter son destin unique et irremplaçable ». 

Dans le climat d’affection naturelle qui lie les membres d’une communauté familiale, les personnes sont, dans leur intégralité, reconnues et responsabilisées : « La première structure fondamentale pour une “écologie humaine” est la famille, au sein de laquelle l’homme reçoit des premières notions déterminantes concernant la vérité et le bien, dans laquelle il apprend ce que signifie aimer et être aimé et, par conséquent, ce que veut dire concrètement être une personne ». De fait, les obligations de ses membres ne sont pas limitées par les termes d’un contrat, mais dérivent de l’essence même de la famille, fondée sur un pacte conjugal irrévocable et structurée par les rapports qui en découlent à la suite de la génération ou de l’adoption des enfants.

213 La famille, communauté naturelle au sein de laquelle s’expérimente la socialité humaine, contribue d’une manière unique et irremplaçable au bien de la société. En effet, la communauté familiale naît de la communion des personnes : « La “communion” concerne la relation personnelle entre le “je” et le “tu”. La “communauté” dépasse au contraire ce schéma dans la direction d’une “société”, d’un “nous”. La famille, communauté de personnes, est donc la première “société” humaine ».

Une société à la mesure de la famille est la meilleure garantie contre toute dérive de type individualiste ou collectiviste, car en elle la personne est toujours au centre de l’attention en tant que fin et jamais comme moyen. Il est tout à fait évident que le bien des personnes et le bon fonctionnement de la société sont étroitement liés « à la prospérité de la communauté conjugale et familiale ». Sans familles fortes dans la communion et stables dans l’engagement, les peuples s’affaiblissent. C’est dans la famille que sont inculquées dès les premières années de vie les valeurs morales, que se transmettent le patrimoine spirituel de la communauté religieuse et le patrimoine culturel de la nation. C’est en elle que l’on fait l’apprentissage des responsabilités sociales et de la solidarité. 

214 La priorité de la famille par rapport à la société et à l’État doit être affirmée. En effet, la famille, ne serait-ce que dans sa fonction procréatrice, est la condition même de leur existence. Dans les autres fonctions au bénéfice de chacun de ses membres, elle précède, en importance et en valeur, les fonctions que la société et l’État doivent remplir. La famille, sujet titulaire de droits inviolables, trouve sa légitimation dans la nature humaine et non pas dans sa reconnaissance par l’État. Elle n’existe donc pas pour la société et l’État, mais ce sont la société et l’État qui existent pour la famille.

Tout modèle de société qui entend servir le bien de l’homme ne peut pas faire abstraction du caractère central et de la responsabilité sociale de la famille. La société et l’État, dans leurs relations avec la famille, ont en revanche l’obligation de s’en tenir au principe de subsidiarité. En vertu de ce principe, les autorités publiques ne doivent pas soustraire à la famille les tâches qu’elle peut bien remplir toute seule ou librement associée à d’autres familles ; par ailleurs, ces mêmes autorités ont le devoir de soutenir la famille en lui assurant toutes les aides dont elle a besoin pour assumer l’ensemble de ses responsabilités de façon adéquate. 

252 Le point de départ pour un rapport correct et constructif entre la famille et la société est la reconnaissance de la subjectivité et de la priorité sociale de la famille. Leur rapport intime impose à « la société de ne jamais manquer à son devoir fondamental de respecter et de promouvoir la famille ». La société et, en particulier, les institutions de l’État — dans le respect de la priorité et de l’« antériorité » de la famille — sont appelées àgarantir et à favoriser l’identité authentique de la vie familiale et à éviter et combattre tout ce qui l’altère et la blesse. Cela requiert que l’action politique et législative sauvegarde les valeurs de la famille, depuis la promotion de l’intimité et de la vie familiale en commun, jusqu’au respect de la vie naissante et à la liberté effective de choix dans l’éducation des enfants. La société et l’État ne peuvent donc ni absorber, ni substituer, ni réduire la dimension sociale de la famille ; ils doivent plutôt l’honorer, la reconnaître, la respecter et l’encourager selon le principe de subsidiarité

253 Le service rendu par la société à la famille se concrétise dans la reconnaissance, le respect et la promotion des droits de la familleTout cela requiert la mise en œuvre de politiques familiales authentiques et efficaces avec des interventions précises capables de faire face aux besoins qui dérivent des droits de la famille en tant que telle. En ce sens, la condition nécessaire, essentielle et incontournable est la reconnaissance — qui comporte la protection, la mise en valeur et la promotion — de l’identité de la famille,société naturelle fondée sur le mariage. Cette reconnaissance trace une ligne de démarcation nette entre la famille proprement dite et les autres formes de vie en commun, qui ne peuvent mériter — de par leur nature — ni le nom ni le statut de la famille.

254 La reconnaissance, par les institutions civiles et par l’État, de la priorité de la famille sur toute autre communauté et sur la réalité même de l’État, comporte le dépassement des conceptions purement individualistes et l’adoption de la dimension familiale en tant que perspective culturelle et politique, incontournable dans la prise en considération des personnes. Cela ne constitue pas une alternative, mais plutôt un soutien et une protection des droits mêmes appartenant aux personnes individuellement. Cette perspective permet d’élaborer des critères normatifs pour une solution correcte des différents problèmes sociaux, car les personnes ne doivent pas seulement être considérées individuellement, mais aussi en relation avec les cellules familiales dans lesquelles elles sont insérées, en tenant dûment compte de leurs valeurs et exigences spécifiques.